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Le fondateur de “La chaîne de l’espoir”, Alain Deloche, nous parle de son livre, et de son action pour les enfants malades.

Alain Deloche Copyright Bernard Matussière
Alain Deloche
Copyright Bernard Matussière

 

Il y a des hommes d’exception qui donnent leur vie à de nobles causes. Cofondateur de “Médecins sans frontières” et fondateur de “La Chaîne de l’Espoir”, Alain Deloche fait partie de ces hommes-là.
Avec son livre “La Glace à la vanille” paru au Cherche Midi, véritable hymne à la vie, le professeur Deloche nous emmène dans son univers, marqué par des tragédies humaines, mais aussi par un souffle d’espoir devant tous ces miracles accomplis, devant tous ces enfants sauvés par lui et ses équipes.

Suite à la vente aux enchères « Cœurs de créateurs » chez Christie’s qui eut lieu à Paris début juillet dans le but de récolter des fonds pour son association, le professeur Deloche a bien voulu répondre à nos questions.

Bonjour Professeur Deloche, à quel moment avez-vous décidé de vous consacrer aux enfants malades des pays pauvres ?

Bonjour Laurent, je dirais que cela a pris beaucoup de temps. J’ai d’abord fait carrière à l’hôpital, et vers 40 ans, j’ai décidé de mettre au service de nobles causes mon savoir-faire chirurgical.
J’avais cela en tête depuis longtemps. Le docteur Albert Schweitzer n’est autre que mon grand-oncle. L’ambiance familiale m’a donc incité très tôt à soigner mon prochain, dans les pays lointains.

Vous avez été cofondateur de “Médecins sans frontières” avec Bernard Kouchner. Quelles relations gardez-vous avec lui aujourd’hui ?

Bernard Kouchner est pour moi un véritable “compagnon de vie”, je l’ai rencontré en première année de médecine et nous ne nous sommes jamais quittés depuis.
Quand il était ministre, je le voyais moins ; désormais, je le vois beaucoup plus (rires).

Quel regard portez-vous sur votre association “La chaîne de l’espoir”, 20 ans après sa création ?

J’avais le désir, en créant l’association, de venir en aide aux enfants malades, jamais je n’aurais pensé que 20 ans après, nous en serions à ce niveau-là.
On prend en charge des milliers d’enfants à travers le monde et par an. Vous savez, chaque association a son propre destin, et le nôtre n’est pas encore accompli, il reste beaucoup de choses à faire. Mais au bout de 20 ans, en soufflant les bougies, on est quand même un peu ému.

Alain Deloche au Cambodge. Copyright Jean-François Mousseau
Alain Deloche au Cambodge.
Copyright Jean-François Mousseau

C’était une volonté d’écrire un livre sur tous ces enfants dont vous avez sauvé la vie ?

Absolument pas. J’avais répondu aux éditions du Cherche-Midi et à son directeur, Philippe Héraclès, qui cherchait avec moi la possibilité de faire un livre sur mon parcours. Après avoir étudié la question, on s’est rendu compte que nous n’étions pas sur la bonne piste. Et puis un jour, je lui ai raconté une histoire d’enfant, notamment celle de “La Glace à la vanille” et il m’a dit alors : “C’est exactement cela qu’il nous faut, je veux des histoires d’enfants”. Le titre était déjà tout trouvé.
Bien sûr, certaines histoires m’ont marqué plus que d’autres car chaque destin d’enfant secouru est particulier et les circonstances, également.

En revanche, vous êtes rapidement passé sur les enfants que vous n’avez pas réussi à sauver ?

J’ai d’abord hésité à écrire ces quelques pages. Vous savez, nous les chirurgiens, on ne peut pas oublier la mort d’un enfant que l’on n’a pas pu sauver.
J’ai donc voulu citer “ces enfants du désespoir”, en particulier cette petite Vietnamienne dont j’ai ramené les cendres dans son pays.
Je suis peut-être le seul chirurgien au monde à avoir ramené les cendres de son petit malade dans sa valise. Ou alors cette petite orpheline que l’on a enterrée à Bobigny un matin, et que personne ne réclamait.
Le fait médical était doublé là d’un drame humain très particulier. Je me devais d’en parler dans le livre.

De tous ces enfants évoqués dans ce très beau livre, lequel aura été le plus marquant ?

En 2003, Alain Deloche avec Mansourah, la petite afghane. Copyright Gamma
En 2003, Alain Deloche avec Mansourah,
la petite afghane.
Copyright Gamma

Je dirais qu’il y en a deux. Tout d’abord cet enfant réfugié boat-people, échappé de la mort au moins dix fois lors de sa traversée pour quitter le Vietnam.
Il a reçu une noix de coco sur la tête et sans le geste salvateur que nous avons eu, il était condamné à une mort stupide.
On ne peut pas oublier ce genre de miracle.
Le deuxième est une petite Afghane que l’on a ramenée en France et opérée à Paris car elle avait le cœur atteint.
Nous nous sommes accrochés et nous avons réussi à la sauver. Grâce à Mme Chirac, présente à Kaboul pour poser la première pierre de notre hôpital, et qui nous avait autorisés à utiliser l’avion présidentiel. Pour moi, c’est l’exemple même du destin. En Asie, on parle de “Karma”.

Pourquoi avoir demandé à Valérie Trierweiler d’écrire la préface du livre ?

En fait, Mme Trierweiler, que j’avais vue à plusieurs reprises pour les enfants du Mali soignés sur place ou en France, m’a dit au cours d’un échange : “Il faut absolument écrire un livre.”
Elle a appelé Philippe Héraclès aux éditions du Cherche-Midi, qui m’a très vite convoqué.
On peut donc dire que je dois à Valérie ce livre, le minimum pour la remercier était bien évidemment de lui faire signer la préface.

Devant tant de tragédies, vous êtes-vous déjà découragé ?

Découragé n’est peut-être pas le bon terme, je parlerais plutôt de lassitude, on se dit : “Là, c’est trop”. Et finalement, si on est fatigué, l’équipe reprend le dessus.
Comme l’indique son nom, notre association est une chaîne, elle a donc plusieurs maillons. Si l’un faiblit, l’autre doit prendre le relais.
Je tiens également à citer les paroles du père Ceyrac, grand religieux en Inde : “Un seul enfant sauvé, cela suffit, mille, c’est très bien.”

Alain Deloche au Congo / Copyright Pascal Deloche GODONG
Alain Deloche au Congo / Copyright Pascal Deloche GODONG

Quel message aimeriez-vous faire passer à mes lecteurs ?

Il y a quand même de l’espoir. Le monde est comme il est, mais nous pouvons le changer avec plein de petites actions cumulées.
“Les petits ruisseaux font les grandes rivières.”
Plus d’infos sur La Chaine de l’Espoir : www.chainedelespoir.org

Propos recueillis par Laurent Amar

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