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Inconnu à cette adresse : Stéphane Guillon et Bruno Solo au cœur de l’enfer

Inconnu à cette adresse
Inconnu à cette adresse

 

Quand, chez deux amis inséparables, une idéologie dominante s’empare de l’un d’eux, cela crée forcément des antagonismes. Mais si l’adhésion à cette idéologie a lieu durant la prise de pouvoir des nationaux-socialistes dans une Allemagne en pleine déroute morale et philosophique, la catastrophe, entre un Juif et un Allemand, est inévitable.

L’Allemand Martin Schulse, 40 ans, marié, père de trois garçons et Max Eisenstein, 40 ans également et célibataire, d’origine juive, sont amis depuis des années.

Ils ont monté ensemble la galerie d’art Schulse-Eisenstein, florissante.

Mais, en 1932, Martin décide de retourner vivre en Allemagne afin d’y entamer une carrière prestigieuse dans la fonction publique. Nos deux amis vont donc correspondre par courrier, Martin depuis Munich et Max depuis San Francisco. Le ton des premières lettres s’avère cordial, et plein d’affection. Cela ne durera pas. En 1933, Hitler, appuyé par sa horde de barbares, accède au pouvoir et, insidieusement, la “nazification des esprits” va accomplir sa triste besogne.

Le brave Martin n’y échappera pas. Ses lettres à Max se feront plus rares, plus froides, et pour la première fois, elles ramèneront Max à son état de Juif et Martin, qui a trouvé son “guide”, à son état d’Allemand. Le drame arrive quand Max supplie Martin de sauver sa sœur Griselle, seule dans Munich, perdue, affamée, traquée par les SA. Martin refuse. Inconnu à cette adresse constitue le premier livre de l’écrivaine américaine Kathrine Kressmann Taylor.

Cette œuvre deviendra un film en 1944, puis une pièce de théâtre à succès. En France, c’est au théâtre Antoine qu’elle se joue actuellement, le soir à 19 heures. Le choix des interprètes est très judicieux, car il s’agit de deux acteurs connus pour leur humanisme et leur prêche de la bonne parole sur les plateaux télé : Bruno Solo dans le rôle de Max et Stéphane Guillon dans celui de Martin.

Bruno Solo et Stéphane Guillon
Bruno Solo et Stéphane Guillon

Les deux comédiens donnent l’impression de vivre leur rôle et transmettent à un public fasciné par la qualité du texte et leur interprétation le drame qui est en train de se dérouler, la trahison d’un ami au nom de l’hitlérisme.

Le théâtre Antoine, somptueux, se prête parfaitement à un tel spectacle, comme toujours, et il est donc très agréable d’assister à une pièce de cette qualité avec de tels comédiens dans un endroit aussi sublime. Nous aimerions également souligner la mise en scène très astucieuse de Delphine de Malherbe, qui avait officié sur Fratricide, pièce également chroniquée dans nos lignes. Les acteurs sont placés sur les deux côtés de la scène, celui qui écrit sa lettre, dans la lumière, celui qui lit, dans l’ombre, mais visible et réagissant en temps réel aux mots de son ami.

Cela donne à l’ensemble un dynamisme et une visibilité assez surprenants. Delphine sait parfaitement jouer avec la lumière, élément essentiel au spectacle, et particulièrement à la toute dernière scène, vous comprendrez pourquoi en allant voir la pièce. Nous ne pouvons que vous recommander d’aller voir Inconnu à cette adresse avec Stéphane Guillon et Bruno Solo. Au vu de l’ambiance qui règne actuellement en France, en Europe, c’est une piqûre de rappel nécessaire pour tous ceux qui auraient oublié la définition des mots “fanatisme” et “intolérance”, et les drames humains engendrés par eux.

Laurent Amar

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