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Le mot de Gilles Jacob : président du festival de Cannes

Tout le monde connaît l’évènement cannois qui change chaque année : l’affiche, les films, les jurys, le palmarès ; derrière la façade, il y a aus
si une attitude qui, décennie après décennie, assure la pérennité de l’institution. Cette ligne qui me tient particulièrement à cœur nous dit que le festival est la maison où viennent s’abriter les artistes en danger.

Notre appui ne date pas d’hier : dès les années 70, Robert Favre le Bret et Maurice Bessy se sont battus pour Andrei Tarkovski ; ensuite, avec Pierre Viot nous a vons invité des cinéastes inquiétés dans leur pays, et que l’aura du festival protégeait. Cette vigilance a servi d’exemple. Je ne rappelle pas ici tous les noms venus d’Europe de l’ Est, d’Asie, du Moyen Orient, mais quand nous leur faisons signe, même longtemps après, la chaleur de leur amitié témoigne de leur reconnaissance. Et notre porte est toujours ouverte, pour eux, comme pour d’autres… Pour tous les autres…

Cannes, terre d’accueil. L’année 2013 illustre au sens propre cette ligne de conduite. Nous avons invité en effet des dessinateurs de presse qui se battent à leur manière pour la liberté.
Sous l’égide de Plantu, nous présenterons à l’étage de la presse une exposition de dessins humoristiques autour du cinéma, dessins vifs et talentueux. Vous trouverez un document les concernant dans le dossier de presse.
Ainsi donc, des dessinateurs de pays où la liberté d’expression ne va pas de soi vont se coudoyer. C’est comme un signal : dans le pays le plus libre qui soit, le rêve de l’homme de pouvoir n’est-il pas de tout faire pour que la critique de son action reste lettre morte?
Cette petite flamme du caricaturiste dont l’art est de tout dire, de tout résumer en une image, prenons garde qu’elle ne s’éteigne jamais :
c’est le dernier rempart contre le despotisme et la dictature du fort sur le faible.

En programmant un ensemble où vibre un appel à l’indocilité, le festival n’a pas craint de prendre le risque qu’on l’applique à lui-même! Il existe une autre philosophie que les dirigeants doivent toujours avoir en tête, c’est le travail de fond entrepris depuis des années et qui a permis de repérer, d’aider à s’affirmer, à s’épanouir, à acquérir la confiance, à faire gagner du temps à ces générations successives de jeunes cinéastes.
Cette mission de défrichage et d’accompagnement presque éducative est une longue histoire, elle se construit avec un souci de cohérence dans le sillage de la Caméra d’or, de la Cinéfondation et de sa Résidence, de l’Atelier… Je ne rate pas l’occasion de le dire : le geste auguste du semeur fera lever les Fellini de demain.
Et les Bergman et les Bunuel. Et les Jane Campion.

Gilles Jacob

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