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Le procès de Rodilhan, en mémoire de toutes les victimes de la tauromachie

Faeryland, un film de Magà Ettori
Faeryland, un film de Magà Ettori

 

Il fait encore chaud en ce début d’automne 2011, nous sommes à Rodilhan, petite ville de Provence, aux abords de Nîmes.
Il s’avance doucement vers l’enceinte intérieure de l’arène, il râle, il est nerveux, agressif. C’est normal, il va bientôt mourir.

De toute sa puissance et de toute sa splendeur, il tentera de leur résister. Mais, malgré sa supériorité physique, il sera terrassé, les bourreaux sont trop nombreux, il n’a aucune chance, il est seul face à eux.

La grille qui le sépare de son tombeau s’ouvre lentement, il doit y aller, il n’a plus le choix. Le sable chaud de l’arène lui brûle les sabots, il mène le combat dès le début. La meilleure défense, c’est l’attaque ! Alors il braque ses adversaires, court vers ces drôles de matadors, “[habillés comme] des poupées”, pour citer Francis Cabrel dans son chef -d’œuvre, “La Corrida”.

Mais les premiers coups de poignard enfoncés insidieusement dans son corps le font hurler, de douleur, de peur, de solitude aussi. N’y aura-t-il personne pour venir à son aide ? Il court, il se bat, il charge, mais le scénario est toujours le même, des coups violents transpercent ce colosse aux pieds d’argile. Il se déplace moins vite, ses forces l’abandonnent peu à peu, il a mal. Il regarde autour de lui, il se sait entouré d’ennemis mortels. Pas seulement les porteurs de couteaux, armes aiguisées pour le tuer, mais aussi ceux qui sont venus assister à sa mise à mort.

Cependant, s’enfonçant peu à peu dans les ténèbres des dernières secondes de sa vie, de petites lucioles apparaissent dans le noir. 95 militants anti-corrida entrent dans l’arène, il s’est trompé, il n’est pas seul. Le veau innocent, animal majestueux élevé dans le but ultime d’être torturé et assassiné, devant une foule acquise à la cause des tueurs, reçoit une aide inespérée, mais aussi désespérée car ils ne feront que retarder l’issue fatale.

Ces militants viennent de plusieurs associations pour la protection des animaux. La BAC Marseille, Minotaure films, la Fondation Brigitte Bardot, le CLAM, ou encore le CCE2A. Ils sautent par-dessus les rambardes, captent immédiatement l’attention des toreros, permettant au taureau de reprendre son souffle un instant.

Ils se placent au centre de la piste de ce cirque mortifère et s’enchaînent les uns aux autres, en guise de soutien à tous les animaux maltraités. Mais les aficionados ne l’entendent pas de cette oreille. Les organisateurs, les techniciens, les spectateurs et même le maire de Rodilhan, tous s’abattent avec une violence inouïe sur les militants.

Les coups pleuvent, ils ne peuvent pas se défendre.
Un militant témoigne : “On nous frappe la tête et le dos avec poings et pieds. On nous enfonce des doigts dans les yeux, on nous traîne au sol par les cheveux, on nous arrose au jet d’eau à bout portant. Les femmes subissent des attouchements sexuels humiliants.”

Ce témoignage est avéré. En effet, les différentes vidéos de l’évènement sont disponibles sur des sites comme You Tube.

Le bilan de ces attaques, aussi lâches que stupides, est édifiant : hospitalisations, fractures, violences sexuelles, et bien sûr traumatismes physiques et psychologiques.

Les 13 et 14 janvier prochains, s’ouvrira donc le procès de Rodilhan.
Les prévenus, ceux que l’on appelle les “aficionados”, vont devoir comparaître et répondre de ces violences. Là où il aurait été beaucoup plus juste d’évacuer les manifestants dans le calme, ils ont préféré leur faire subir ce qu’il font habituellement subir à leurs pauvres victimes animales, des coups et des blessures.

Ce procès est historique et mettra également au grand jour une absurdité de la législation française. En effet, en France, la corrida constitue un délit depuis son importation illégale d’Espagne, il y a 160 ans. Elle est qualifiée par le code pénal de “sévices graves et actes de cruauté sur des animaux”. Interdite dans 90 départements, elle jouit pourtant d’un passe-droit injustifiable dans 12 départements du sud de la France, d’où l’importance de ce procès qui fera, nous l’espérons, jurisprudence.

Rendons hommage au cinéaste et président de l’Institut citoyen du cinéma, Magà Ettori.
Samedi dernier, eut lieu la conférence de presse dédiée en grande partie au dernier film de Magà, une fable écologique intitulée “Faeryland”.

Mêlant héroïque fantasy, documentaire animalier et images en caméra cachée d’animaux torturés, “Faeryland” compte dans son casting le chanteur humaniste Yves Duteil.

Ce long métrage très original réussit avec brio à nous démontrer la façon inhumaine dont sont traités les animaux, nos frères de Terre.

Durant cette conférence, nous eûmes les témoignages de différents intervenants, comme la journaliste marocaine Aziza Nait Sibaha, présidente de l’association “Comme Chiens et Chats”, venue nous parler de la condition animale dans son pays, mais aussi ceux de deux des protagonistes de l’affaire Rodilhan, victimes directes des aficionados, Roger Lahana et Franck Andrieux.

Nous espérons tous une issue heureuse à ce procès. Que cessent enfin ces jeux du cirque inadmissibles !

Comment, en 2016, peut-on s’extasier devant la mise à mort d’animaux innocents, ne demandant qu’à vivre ?

En outre, nous souhaitons un grand succès au film de Magà, “Faeryland”, et nous tirons notre chapeau à tous ceux qui œuvrent, bien souvent dans l’anonymat, à l’arrêt définitif de la maltraitance animale.

Laurent Amar

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