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Les derniers secrets de Raspoutine racontés en exclusivité pour Stars-media par l’historien Luc Mary.

L'écrivain Luc Mary.
L’écrivain Luc Mary.

 

Luc Mary, né en 1959, écrivain et historien. Auteur de près d’une trentaine d’ouvrages,
il a publié voici maintenant six ans une biographie remarquée sur “les derniers jours des
Romanov”. En cette année 2014, il explore de nouveau les immenses terres de Russie en
se penchant cette fois sur la vie peu ordinaire de l’énigmatique Raspoutine.

Bonjour Luc Mary, pourquoi avoir décidé d’écrire une biographie sur le sulfureux Raspoutine ?

Bonjour cher Laurent Amar, Permettez-moi de prendre la question à l’envers. Comment ne pas écrire un livre sur Raspoutine ?  En l’espace de quelques années, un pèlerin anonyme et illettré surgi des steppes devient l’éminence grise du tsar. Impensable. Après avoir enquêté sur la disparition des Romanov, je me devais de me pencher sur l’homme le plus énigmatique de l’ancienne Russie, et sur celui qui a le plus contribué à désacraliser le pouvoir tsariste. Appréhender le personnage de Raspoutine, c’est s’interroger sur les derniers temps du tsarisme. A défaut d’être un prophète, Raspoutine a changé à tout jamais le visage et l’histoire de la Russie. Comme l’atteste les derniers évènements de Crimée, on en subit encore aujourd’hui les conséquences…

Malgré un physique peu avantageux, il avait un véritable pouvoir d’attraction sur les femmes. Comment l’expliquez-vous ?

Grossier, sale, alcoolique, Raspoutine est aux antipodes de la séduction. A n’en pas douter, son physique est aussi loin de l’image du dandy. Massif, robuste, ce « tsar de l’ombre » a le front barré par une profonde cicatrice ; il possède une barbe taillée en pointe et de longs cheveux séparés en leur milieu par une raie. Mais voilà, sa générosité, sa sincérité et ses dons thaumaturges fascinent les foules, inquiètent les grands et intriguent la gent féminine. Physiquement, c’est son regard hypnotique qui fascine ; de petits yeux bleus rapprochés et profondément enfoncés dans leurs orbites. Et Raspoutine ne s’en cache pas ; il fait ouvertement l’apologie de la débauche en prétendant que sans le péché de la chair, il n’y aurait pas de repentir. Par ailleurs, d’étranges rumeurs circulent dans Saint Pétersbourg sur la taille phénoménale de son pénis. Enfin, bien des comtesses et autres duchesses connaissent l’intimité qui unit Grigori à Alexandra. D’une certaine façon, en séduisant Raspoutine, elles espèrent aussi obtenir les faveurs du trône…

Comment a-t-il réussi à atténuer les souffrances du jeune tsarévitch alors que les médecins de son père Nicolas II avaient tous échoué ?

Là réside le grand mystère de Raspoutine. A titre de rappel, le jeune tsarévitch est frappé d’hémophilie, une grave maladie du sang transmise uniquement par les femmes. En termes clairs, à la moindre chute éclate une hémorragie et un important hématome se forme. Inexplicablement, seul Raspoutine est capable de calmer les douleurs de l’enfant et de faire disparaître l’œdème. D’aucuns avancent l’hypothèse que c’est en écartant les médicaments prescrits par les médecins du tsar, notamment l’aspirine, que Raspoutine réussit son étonnant tour de force.  Mais c’est faire fi de la guérison miraculeuse de Spala. Alors en voyage en Pologne, l’enfant glisse malencontreusement sur un bateau et se cogne violemment. En l’espace de quelques heures, le tsarévitch est au bord de l’agonie et on lui administre les derniers sacrements. Prévenu du mal qui frappe l’enfant alors qu’il se trouve en Sibérie, à plus de 3000 km, Raspoutine parvient à guérir Alexis en entrant en transe devant une simple icône de la Vierge de Kazan. « Ton fils vivra » annonce-t-il dans un télégramme envoyé de son village natal. Inexplicablement, l’enfant agonisant se réveille tranquillement le soir même de la réception du télégramme du mage. Sans être un adepte du miracle, je trouve cet évènement pour le moins singulier…

Raspoutine par Luc Mary
Raspoutine par Luc Mary

L’épouse du tsar, Alexandra Fedorovna, entretenait-elle une relation adultère avec Raspoutine ?

On peut l’affirmer d’emblée, les relations charnelles entre l’impératrice et le prophète sibérien relèvent de la pure  fiction. Les rumeurs ont été entretenues par le clergé orthodoxe russe, lequel avait à cœur d’éliminer physiquement Raspoutine après l’avoir adulé et présenté à la famille impériale. Selon le Saint Synode, l’influence de Raspoutine sur le couple impérial était néfaste et ne pouvait que conduire l’empire à sa perte. Tout au plus peut-on parler d’une extrême tendresse entre Raspoutine et la tsarine. Car Alexandra n’a jamais considéré l’ermite sibérien comme un homme mais comme un envoyé de Dieu, le seul être capable de délivrer la Russie de tous ses tourments. C’est surtout le seul être capable de calmer les douleurs de son fils hémophile. Selon elle, les ennemis du son Ami sont ses ennemis. De son côté, pourtant de la même génération que l’impératrice, le mage sibérien la surnomme « maman ». Une telle appellation interdit a priori tout contact charnel entre Alexandra et Grigori…

Pourquoi, presque 100 ans plus tard, le personnage de Raspoutine fascine-t-il autant ?

Raspoutine est plus qu’un homme, c’est un phénomène de société. Il incarne en effet toute la Russie profonde, mystérieuse et insondable, celle des isbas, des icônes et des grandes étendues désertiques. Plus encore que son pouvoir thaumaturge auprès du prince impérial et ses prédictions exactes sur l’avenir de la Russie tsariste, ce sont les circonstances même de son assassinat qui interpellent nos contemporains. Elles continuent d’ailleurs à alimenter les hypothèses les plus farfelues. Cela étant, il y en a une qui mérite que l’on s’y arrête. Je parle de la piste britannique. Après avoir consulté les archives russes, j’en viens à penser que les services secrets britanniques ne sont pas étrangers à la disparition prématurée de notre étrange personnage. L’autopsie du corps du « starets » le prouve…

Quels sont vos futurs projets Luc Mary ?

A l’heure actuelle, je reviens sur notre bonne terre de France. Il s’agit cette fois d’une biographie consacrée à François 1er, un homme d’exception à plus d’un titre. En 2015, on célèbrera en effet le 500ème anniversaire de son accession au trône.

Pour conclure, quel mot de la fin diriez-vous aux lecteurs  de Stars Media ?

Je conclurais en disant à vos lecteurs que l’Histoire a une vertu thérapeutique, celle de relativiser les malheurs du présent. Certes, il ne s’agit pas d’une science exacte, les mêmes causes ne donnent jamais naissance aux mêmes effets, mais on ne doit jamais faire table rase de notre patrimoine culturel. Raspoutine n’est en rien un personnage du passé, bien au contraire. Il explique d’une certaine façon ce russe à la fois si proche et si éloigné de nous. En cette année 2014, la Russie vit dans la nostalgie de sa gloire passée. En annexant la Crimée, Poutine s’est posé en double héritier du soviétisme et du tsarisme. Aujourd’hui, le nouveau maître du Kremlin est littéralement adulé par ses compatriotes. Ce rêve slave de puissance et de conquête est incompréhensible à celui qui ignore tout de la grande histoire russe…

Propos recueillis par Laurent Amar

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